Blog

Montebourg : primaire, forcément primaire…

Montebourg : primaire, forcément primaire…

Le 25 mai dernier, au Mont-Beuvray, il s’est montré mais il s’est tu. Le 7 juin, alors que le PS achevait son congrès à Poitiers, il est resté chez lui mais il a parlé. Un présence silencieuse, une absence tonitruante. Arnaud Montebourg ne fait jamais rien comme personne. Chacune de ses sorties, quel qu’en soit le registre, est devenu un événement. En matière de com’, il est champion. La séquence qu’il vient de clore avec sa tribune dans le JDD méritera, un jour, d’être enseignée dans les écoles.

Reprenons tout cela dans l’ordre. La montée du Mont-Beuvray, c’est le Solutré de la famille Montebourg, une partie de campagne que l’ancien ministre du Redressement productif a transformé, depuis quelques années, en partie de chasse. Commentaire de l’actualité, flingage à tout va, provocations garanties, comme un amuse-gueule avant le déjeuner sur l’herbe à Frangy, à la fin de l’été. Les médias adorent et ne louperaient pour rien au monde ce rendez-vous printanier. Cette année, pourtant, le Mont-Beuvray avait un goût amer. Neuf mois après le limogeage des frondeurs du gouvernement, les militants socialistes ne venaient-ils pas d’accorder à la motion Cambadélis la très large majorité que François Hollande attendait pour mener à sa main la fin de son quinquennat ?

C’est à l’aune de ce scrutin interne qu’il faut lire le comportement d’Arnaud Montebourg, ce jour de Pentecôte. Sécher l’événement ? C’eût-été mettre en scène une forme de retraite politique et laisser entendre, avec un peu trop de force, que le destin d’Habitat passait désormais, pour lui, avant celui du PS. Sans Montebourg, on n’aurait retenu qu’un passage de témoin au profit de Christian Paul, lequel précisément venait de démontrer qu’il n’avait pas les épaules suffisamment larges pour porter pareil héritage.

Mais parler, ce jour-là, n’était pas chose aisée. En répondant aux questions, Arnaud Montebourg aurait été obligé de commenter une défaite qui est aussi la sienne. Il lui aurait fallu, par dessus le marché, reconnaître que la contre-performance de ses amis, dans les urnes socialistes, fermait la porte à cette primaire dont il fut hier l’inventeur et le bénéficiaire et dont il espérait secrètement qu’elle repasse les plats avant la bataille présidentielle de 2017. Arnaud Montebourg, à l’évidence, a lu Jacques Pilhan, ce grand communicant des années Mitterrand-Chirac et qui disait, avec cet art du bref et du simple qui était sa spécialité : «si tu n’as rien à dire, pourquoi le faire savoir ?».

Au Mont-Beuvray, Arnaud Montebourg a retourné la formule. Il ne voulait rien dire et, en n’offrant aux médias que les images de sa présence muette, il a détourné le commentaire en évitant que celui-ci porte sur ce qu’il voulait cacher. Mission accomplie : les dits médias n’ont retenu qu’une seule chose de cet épisode – l’animal vit encore! – puis il ont glosé sur un de ces mystères qu’ils aiment inventer quand on ne leur offre rien d’autre que le spectacle d’un pic-nique avec saucisson, vin rouge et clafoutis aux cerises. Mais qu’avait donc vraiment Arnaud Montebourg au fond de sa besace ? Quand et comment allait-il revenir sur le devant de la scène politique ? Comme si c’était le sujet au moment même où l’événement montrait que le chemin de la revanche lui était coupé, au moins à court terme…

La tribune publiée, dimanche, jour du clôture du congrès de Poitiers est une manière de réplique dans une séquence qu’elle referme. Cet appel du 7 juin ne dit rien qu’Arnaud Montebourg ait déjà dit à longueur de discours mais sous une forme moins ramassée et moins implacable. Ce qui compte, avec ce texte au JJD, c’est donc le moment et l’habillage. Cosignée avec Mathieu Pigasse, banquier d’affaire et patron de presse, sorte de Macron de la fronde, elle propose une alternative originale, à gauche, juste au moment où il semblait ne plus y en avoir, alors que Martine Aubry est rentrée dans le rang, que Benoît Hamon est devenu inaudible et qu’à l’extérieur du PS, Cécile Duflot et Jean-Luc Mélenchon se perdent dans les impasses qu’ils ont eux même créées.

S’il n’y en a plus qu’un, je serai celui-là ! Arnaud Montebourg tire un trait sur le PS – cet astre vide. Il se tient à l’écart de combats qui ne le concernent plus – l’ordre règne à Solférino mais c’est celui de la mort. Il choisit les extérieurs en s’affichant avec une personnalité de la société civile comme pour dire que les partis à l’ancienne ont fait leur temps. Il s’exprime par écrit alors que les discours tournent à vide. Bref il met en scène un avenir possible. Pour cela, il prend date. La catastrophe est inévitable. 2017 sera le tombeau de François Hollande et de ceux qui n’ont pas osé l’affronter. Pas de primaire ? Et bien qu’importe ! Plutôt que de s’appesantir sur sur ces échecs passés, tant au gouvernement que dans la bataille de Poitiers, Arnaud Montebourg tente de changer le terrain de l’affrontement. Le rendez-vous, pour lui, ne sera pas celui de la présidentielle mais celui de l’après-présidentielle. Avec un seul message : «je vous l’avais bien dit».

Dans cet exercice de haut vol, Arnaud Montebourg préfère donc la posture au combat. Et pour cause ! Ce combat dont il a espéré qu’il aurait lieu à Poitiers, a été perdu faute de relais suffisants au sein même du PS. D’où le silence du Mont-Beuvray. Derrière cette défaite, il y avait surtout un piège tendu par François Hollande a tous ceux qui, à gauche, le contestent mais qui n’ont ni la force ni la volonté de le dire à voix haute. C’est celui de l’unité forcée, du soutien obligé, de la solidarité contrainte dans une campagne présidentielle placée sous le signe non pas du bilan mais du refus tant de Nicolas Sarkozy que de Marine Le Pen. Dans sa tribune au JDD, Arnaud Montebourg devait taper d’autant plus fort, au moment où ça fait le plus mal et où l’écho sera donc le plus fort, qu’il n’aura pas le temps, les moyens et surtout l’occasion d’y revenir, chaque jour, dans les mois à venir.

En ce sens, Arnaud Montebourg aura donc enjambé Poitiers en s’invitant, un court instant, comme par effraction, dans un débat socialiste trop convenu pour être vraiment honnête. À sa façon, dans un registre moins fracassant et avec un autre calendrier en poche, Ségolène Royal avait imaginé la même échappé belle, en 2005, lors du congrès du Mans dont François Hollande – encore lui – avait su faire un moment inattendu de synthèse alors sa cote était au plus bas après l’échec du référendum européen. Cette fois-ci, Arnaud Montebourg tire à la fois plus fort et plus loin, faute de pouvoir s’inviter à la table de jeu. Sa faiblesse est de sembler parier sur l’échec en 2017. Sa force est d’en dire les causes avant qu’il n’ait eu lieu. Si les faits lui donnent raison, alors, sur un champ de ruine, il n’y aura que lui et Manuel Valls pour incarner le destin d’une gauche en lambeau. Le pari de Montebourg est qu’à ce moment là entre un syndic de faillite et l’homme de l’appel du 7 juin, les Français choisiront, une fois encore, celui qui a su incarner une forme de résistance.