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Hollande se faufile

Hollande se faufile

Emmanuel Macron a taclé François Hollande à plusieurs reprises, ces derniers temps. Selon vous, « le Hollande bashing » est-il pour le Président une façon de se relégitimer ?

Emmanuel Macron se pose en s’opposant. C’est sa technique depuis qu’il est arrivé à l’Elysée. Elle n’est pas, reconnaissons-le, d’une très grande originalité. S’il la poursuit, c’est sans doute qu’il la pense efficace et qu’il estime que son « prédécesseur », comme il dit, reste un punching-ball utile. Plus généralement, Emmanuel Macron distingue le nouveau monde dont il serait la figure «héroïque» de l’ancien dont la marque serait «la fainéantise». A sa manière, il fait du Jack Lang. Avec lui, nous serions passé de l’ombre à la lumière. Il n’est pas indifférent, à cet égard, que le résultat de tout cela soit une relecture de la Cinquième réduite à trois Présidents véritables : de Gaulle, Mitterrand et… Macron. Hollande, dans cette opération, est comme un perdreau pris dans une battue de sangliers mais en utilisant du gros plomb contre lui, Macron prend le risque de le faire passer pour ce qu’il n’est plus, c’est-à-dire une grosse bête ou, tout au moins, un gibier de haut vol.

Justement, François Hollande a réagi en qualifiant de «brutale» la politique fiscale suivie par Emmanuel Macron !

Depuis qu’il a repris la parole au milieu de l’été dernier, Hollande pointe du doigt, de manière de moins en moins contournée, un Président sans bienveillance, promoteur d’une politique injuste car déséquilibrée et donc infidèle à ses promesses de campagne. Macron croit encore avoir besoin de Hollande pour dire ce qu’il est. Hollande utilise Macron pour rappeler ce qu’il fut et la nature de son bilan véritable. Dans cet échange de mauvais procédés, c’est lui qui, marginalement, a le plus à gagner dans la période actuelle. Sans les propos présidentiels du 8 octobre, sur TF1, se soucierait-on autant des gammes grinçantes de Hollande, quelques jours plus tard, en Corée ?

François Hollande peut-il être véritablement nuisible à son prédécesseur ?

Hollande, à la place qui est désormais la sienne, n’est plus un adversaire crédible de Macron. Mais il peut devenir l’un de ses procureurs écoutés. Ce qu’il dit n’est pas très différent de ce qu’on peut entendre ici où là, depuis quelques semaines ou que vient de livrer Bernard Cazeneuve dans son dernier livre. Au fond, le procès fait par Hollande à la politique suivie depuis cinq mois, ne trouve ici d’échos qu’en raison du statut de celui qui l’intente. Macron, plutôt que de snober ou de tourner la page avec une feinte élégance, préfère piétiner. Mais pourquoi piétiner ce qui, paraît-il, a été balayé par le vent de l’Histoire ? J’entends bien qu’à l’Élysée, on explique qu’il est d’une intelligence tactique sans pareil que de faire ressortir de la boite des tigres de papier. Soit… Sans faire de la psychologie de bazar, on peut quand même se demander si le problème de Macron avec Hollande n’est pas d’une nature moins politique qu’on ne le dit souvent. Il n’est jamais facile de trouver le bon ton ou la bonne distance avec celui qu’on a poussé dans le fossé après lui avoir planté un couteau entre les omoplates. Macron peut échanger sans véritable problème avec Sarkozy mais on voit mal comment il pourrait regarder Hollande droit dans les yeux. D’autres l’on dit mieux que moi : l’œil était dans la tombe et regardait Caïn…

Pensez-vous que les prises de parole de François Hollande préparent le terrain à son retour en politique ?

Revenir, cela veut dire qu’on était parti. Que je sache, Hollande n’a jamais dit, à la différence d’un Jospin ou même d’un Sarkozy, qu’il raccrochait les gants. Son statut d’ancien président lui assure gîte et couvert. On ne voit vraiment pas que ce lui apporterait, comme à Giscard autrefois, un mandat de conseiller général avec d’ailleurs le résultat que l’on sait. Hollande est seul. C’est une faiblesse et une force à la fois. Il ne dépend plus de personne. Il ne doit rien à personne. Bref, il est libre. On le devine très satisfait de nourrir autant d’interrogations sur une stratégie qu’il ignore lui-même. Il a pu craindre un moment de disparaitre sous les décombres de la gauche de gouvernement. Tel n’est pas le cas. Sa popularité est toujours aussi désastreuse mais au moins est-il encore vivant – même Macron le signale – alors que tant d’autres autour de lui ont passé l’arme à gauche, si j’ose dire. Pour la suite, Hollande reste fidèle à lui-même. Il attend l’occasion et – qui sait ? – le miracle. Cet homme n’a jamais forcé le destin. Quand il remonte en selle, c’est toujours en se faufilant. Il est ainsi fait que dans l’art du commentaire, souvent pertinent au demeurant, il peut durer encore de très nombreuses années sans montrer la moindre lassitude. Il est comme ces éditorialistes qui ne meurent jamais…

N’y a-t-il pas une différence entre Emmanuel Macron et son prédécesseur dans leur sensibilité à la critique ? Il semble que François Hollande y était indifférent alors que Emmanuel Macron ne la supporte pas…

Macron est un séducteur. Il se vexe quand on se refuse à lui. Il a également le problème des gens qui se croient les plus intelligents et qui estiment, de ce fait, qu’il faut être imbécile pour ne pas les comprendre. Résultat : une certaine arrogance. Hollande, lui, fonctionne à la sympathie qui, lorsqu’elle se grippe, nourrit une forme de mépris. Il est pour cela mieux préparé à l’échec, ce qui, on en conviendra, n’est pas plus mal pour lui au vu de son bilan.

Cet entretien a été initialement publié le 18 octobre 2017 sur Figarovox